« Pascal Quignard » Tous les matins du monde Gallimard
Ça faisait un moment que je le voyais traîner sur une grosse pile celui-là. Tout un tas de lecteurs humains me répétaient à n’en pas finir que c’était IN-DIS-PEN-SA-BLE à la culture d’un dinosaure.
C’est le fait que le bouquiniste chauve de la rue Montault me dise « Tiens, une classe d’Angers étudie la vie de Sainte-Colombe ! (le nom du « héros ») » qui m’a poussé dans mes derniers retranchements.
Que va-t-on faire ingurgiter à nos chères têtes blondes. Non pas que je n’ai pas confiance aux angevins, ils sont beaucoup moins béni-oui-oui qu’ont veux bien le dire. Bon d’accord c’est à Angers que Madame Taubira s’est fait agiter une banane sous le nez, mais même parmi les dinosaures, il y avait des tricératops pas bien dans leurs têtes et cela restait une minorité pas du tout représentative.
Non, ils seraient vraiment tous comme ça, on aurait retrouvé depuis longtemps le contraire d’anachorète de bouquiniste crucifié sur le palais épiscopal qui fait face à sa boutique.
En plein débat sur le genre, et malgré le fait que tous les profs que je connaisse ont un avis tranché sur la question (et elles tranchent dur celles que je connais, faites-moi confiance) mon coté « réprimons dans mon estomac les liberticides » aiguisa ma curiosité naturelle.
Bon, le truc, c’est que c’est un petit bouquin qui se lit en une heure et demi. Quand on sait que j’avais l’édition Gallimard, ça sent l’arnaque. Surtout que je lis un livre : il est détruit. Bin oui, les éditeurs se foutent de produire des ouvrages destinés aux grands carnivores alors forcément, entre mes griffes et quelques sucs digestifs liés à des mastications collatérales…
Bref, chacun ses problèmes (le principal des votre étant de m’éviter).
Trois choses m’ont interpellé dans ce (court) roman.
La première est l’écriture parfaitement maitrisée et cependant complètement anachronique. Le sujet se déroule durant le règne de Louis XIV et le langage et la syntaxe utilisés imitent celles de l’époque mais en énonçant par moment des faits résolument modernes, par exemple ceux liés à la sexualité, sujet omniprésent de manière latente dans l’ouvrage.
La seconde est liée à un déchainement de passions dont celle de la musique qui dépasse la douleur de la perte de l’être aimé, mieux est une voie de communication avec lui.
La troisième est le fil narratif qui ne se lâche pas de tout le roman.
Monsieur de Sainte Colombe, joueur de viole, perd son épouse et ne se remet pas de cette perte. La viole parfaitement maîtrisée par l’artiste devient l’outil d’expression de ses sentiments à défaut de tout autre. Ses deux filles sont emportées par ce « virus » et deviennent virtuoses. Mais Sainte Colombe se refuse à tout autre partage de sa douleur y compris au roi. Il finit par accepter un élève dans des conditions que je ne spoilerai pas et le jeune homme va devenir la perte de la famille et finalement se sacrifiant lui aussi viendra à la douleur, logique conclusion des passions les plus folles.
La performance est belle et « quasi » académique. Presque trop à mon goût. Mais je suis un tyrannosaure…
Bon, je m’en doutais mais je ne ferai pas un festin de profs cette fois ci.
Quand à vous, lisez l’ouvrage ou je vous bouffe !
Ce matin, je me suis réveillé grognon. Faut dire que j’avais lu le dernier Bifrost avant de me coucher. Il n’aurait pas fallu. Un Monsieur de la SF française faisait une critique destructrice du « Rêves de Gloire » de Roland C. Wagner paru chez « L’Atalante » mais ça, c’est le jeu. On ne peut pas plaire à tout le monde. Puis le Monsieur manifestement énervé (réveillé grognon ?!) d’expliquer à qui voudra l’entendre que le prix européen des Utopiales ferait mieux de s’appeler le prix L’Atalante. Et là forcément ça m’a énervé. Il faut dire que le chauve de la rue Montault (Jean-Hugues Villacampa de Phénomène J[1] ) faisait partie du jury et m’a fait un rapport détaillé de l’évènement. Ce type a beaucoup -trop -de défauts mais le pire est son honnêteté maladive (ce qui est TRES mauvais pour le genre de commerce qui l’exploite-non, il n’y a pas de faute)…Trois des quatre membres du jury étaient soudoyés par L’Atalante ? Le quatrième n’avait mis le bouquin de Wagner qu’en seconde position sur quatre car il n’était qu’à moitié corrompu ? Arleston acheté par L’Atalante, alors qu’il pourrait faire le contraire… Cher Monsieur de Bifrost, moi qui me suis amusé à lire les quatre romans sélectionnés, et malgré toute l’admiration que j’ai pour Thierry Di Rollo (édité par Bélial pour l’occasion), il ne pouvait pas gagner cette année. Pour les deux autres, ça se discute peut-être. Aller poser son étron malodorant sur un résultat de prix littéraire et sur un auteur de SF français alors que sa propre maison d’édition participe avec un de ses auteurs ne fait pas très très fairplay.
Bon, le pitch ! Jean Frédéric Serrano commande un vaisseau poubelle. Détesté de sa hiérarchie, plus motivé par la progression dans son jeu vidéo que par ses missions, il part dans un anus cosmique (trou du cul de l’espace[2]) qui a pour qualité majeure d’être extrêmement éloigné de son commandement. Là il tombe sur une amorce de conflit entre planète mère et fille dont il devrait en toute logique s’éloigner au plus vite. Un incident l’oblige à rester et de traiter avec des humanoïdes-rongeurs aux lois de l’hospitalité légèrement déviantes. Notre capitaine est-heureusement- entouré de personnages secondaires : le lieutenant Artemisia pour commencer, jeune femme expérimentant un peu rapidement et avec angoisse la connexion neurale et Tikosh dilettante alcoolique d’une perspicacité rare (comme quoi ça ne veut rien dire…). La quasi-totalité du roman se passe dans le même système stellaire ce qui est une chose absolument rare dans ce monde de space-opera qui nous fait traverser les galaxies/dimensions/espaces virtuels, et je dois dire que c’est reposant. Le style d’Ophélie Bruneau est fluide, précis et direct, digne des grands romans populaires du XXème siècle. L’humour est omniprésent sans tomber dans le burlesque et je vais surveiller de très près cette Ophélie qui je l’espère va abandonner sa tendance à la procastination pour le travail acharné devant son clavier[3].